• Dividendes

    20/08/14

    La France championne d'Europe des dividendes versés.

    Au total, 40 milliards de dollars de dividendes ont été versés aux actionnaires par les entreprises françaises au deuxième trimestre.

    Une étude publiée lundi 18 août révèle une forte hausse des dividendes des grandes entreprises françaises qui détiennent le record de rémunération de leurs actionnaires. Ces rémunérations ont augmenté de 30 % au deuxième trimestre par rapport à l’année dernière, pour un montant total de 40 milliards de dollars. Christian de Boissieu, membre du Cercle des économistes, nous explique cette hausse des dividendes en temps de conjoncture économique française moribonde.
    -RFI : Des articles parus ce mercredi matin dans la presse française ont dénoncé ces dividendes record. Comment expliquer cette hausse ?
    -Christian de Boissieu : Ce n’est pas la croissance qui permet d’expliquer cela puisque l’Europe n’a pas beaucoup de croissance. C’est même la région dans le monde qui a le moins de croissance. Donc on a l’impression qu’il y a un écart entre la conjoncture qui n’est pas bonne en Europe en moyenne, et en France en particulier, et puis ces résultats en forte progression. Alors est-ce que les entreprises distribuent des dividendes parce qu’elles n’investissent pas ou est-ce qu’elles n’investissent pas parce qu’elles distribuent des dividendes ? C’est un peu l’histoire de la poule et de l’œuf.
    Mais il y a quand même un vrai débat : quand on regarde les chiffres en Europe au deuxième trimestre justement, 0 % de croissance, certains pays en récession, et une panne de l’investissement. Le sujet qui est posé est le suivant : c’est normal de rémunérer les actionnaires parce que les actionnaires prennent des risques, mais c’est indispensable de prendre des mesures pour relancer l’investissement. Autrement dit, le débat qui est posé, c’est comment est-ce que les entreprises doivent répartir leurs profits entre ce qu’elles retiennent pour investir et croître, et ce qu’elles distribuent aux actionnaires ? C’est ça la question centrale qui va être au cœur des décisions des prochaines semaines en France.
    Cette annonce tombe plutôt mal, alors que le gouvernement a débloqué 40 milliards pour ces entreprises pour qu’elles investissent, pour qu’elles embauchent.

    Est-ce que ce n’est pas vécu un peu comme une provocation ?
    Ça peut être vécu ainsi, mais il y a quand même un effet de calendrier. C’est que le Crédit impôt compétitivité emploi (CICE), les 40 milliards dont vous parlez, commence juste à entrer en vigueur. Là, on parle d’une étude qui concerne les douze derniers mois. C’est un peu tôt pour dire que les entreprises ont profité de l’allègement des charges sociales pour rémunérer les actionnaires. Ceci dit, il y a un risque. Il faudra absolument que dans la mise en œuvre du Crédit impôt compétitivité emploi en France, on vérifie que les 40 milliards servent bien à créer de l’activité et de l’emploi, plutôt qu’à rémunérer les actionnaires.
    Deuxième remarque : inspiré par cette étude, je reviens sur une proposition qu’avait faite François Hollande au moment de sa campagne présidentielle. Il avait dit : « Il faudrait avoir un taux de l’impôt sur les sociétés qui soit différent selon que les bénéfices soient réinvestis ou distribués ». Compte tenu de ce que j’ai dit, c’est-à-dire la panne d’investissement, ça serait très important en France d’abaisser le taux de l’impôt sur les sociétés en ce qui concerne les bénéfices qui sont réinvestis dans l’entreprise, par différence avec les bénéfices qui sont distribués.
    Une augmentation de plus de 30 % au deuxième trimestre de ces dividendes. Ce chiffre paraît énorme. Comment peut-on l’expliquer ?
    On peut rentrer dans les détails. D’abord un effet taux de change. Je ne vais pas rentrer là-dedans parce que c’est très technique, mais qui explique une petite partie. Donc si vous enlevez l’effet dû aux variations de l’euro contre le dollar, il reste quand même une variation et une augmentation significative. Elle est moins forte que les 30 % que vous évoquez, mais elle reste.
    Deuxièmement, l’échantillon porte sur des grandes entreprises. Par définition, les entreprises qui sont cotées en bourse, donc qui ont des actionnaires. Ces entreprises cotées, quand on parle des grandes entreprises françaises, elles font l’essentiel de leurs activités et de leurs profits sur les pays émergents, sur la Chine, sur l’Inde, sur l’Amérique latine ou sur l’Afrique. Donc il a dû y avoir dans le même temps - mais le chiffre n’est pas donné dans l’étude que vous citez - une augmentation des profits qui alimente l’augmentation des dividendes.
    Mais est-ce qu’on peut penser quand même que ces entreprises aujourd’hui ne veulent pas prendre de risques ? Vous citiez la baisse de l’investissement...
    Oui, mais bien sûr que compte tenu du brouillard actuel au plan mondial, en Europe et en France, il y a beaucoup d’entreprises qui attendent, n’investissent pas. Et on le voit dans les chiffres. Les chiffres de l’Insee au deuxième trimestre montrent qu’il y a un recul de l’investissement. C’est ça qui est à l’origine de la très mauvaise conjoncture que nous avons et de la difficulté de faire baisser le chômage. On revient sur le débat que j’avais évoqué au début : est-ce que les entreprises n’investissent pas parce qu’elles distribuent des dividendes très élevés aux actionnaires ou est-ce qu’elles distribuent des dividendes parce qu’elles n’investissent pas ? C’est la poule et l’œuf, il y a les deux.
    De toute façon, les entreprises sont dans l’attentisme. Elles attendent une meilleure conjoncture, de meilleures perspectives. Elles ont peut-être tort d’attendre d’ailleurs, pour prendre des risques. Et investir, c’est prendre un risque. En attendant, elles « soignent » leurs actionnaires pour rendre attractive la détention de leurs actions. Je répète, ce régime qui est évoqué dans l’étude, à mon avis, ne me paraît pas tenable. C’est normal que les actionnaires soient rémunérés, mais là ça paraît vraiment trop et c’est indispensable de prendre des mesures, y compris des mesures fiscales, pour faire en sorte que les entreprises retiennent un peu plus de leurs profits dans l’entreprise pour investir, pour se développer, pour prendre des risques et pour embaucher.

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