• No Joke...

    On ne plaisante pas avec le bouddhisme

    Une photo d’un jeune moine maquillé et habillé en femme sur Facebook: une image qui pourrait être une insignifiante « private-joke » de plus diffusée sur le réseau social. Mais pas en Thaïlande où le bouddhisme est un des fondements de la Nation.
    La photo postée sur le réseau social a ainsi fait beaucoup parler d’elle et a même été pointé du doigt par M. Songkran Atchariyasap, un représentant de la Crime Suppression Division (CSD), organisme chargé d’étudier les activités préjudiciables au royaume, à la religion ou à la monarchie.
    « De telles photos et messages sur une page (Facebook) qui a plus de 350 amis sont inappropriés pour une personne qui a une vocation de moine et sont préjudiciables pour le bouddhisme » réagit M.Songkran Atchariyasap devant des photos du jeune moine portant robe et perruques féminines.
    D’autres éléments à charges pèsent également sur ce moine peu conventionnel comme des photos de soirées fièrement exhibées sur sa page Facebook, ainsi que des suspicions d’homosexualité, de jeux illégaux, de bagarres avec d’autres moines ou encore des allégations de participations à des concours de beauté.
    Une enquête a été ouverte afin de déterminer l’identité de l’impétrant.

    Une religion sous surveillance

    Dans une culture européenne, habituée à la séparation de la religion et de l’Etat, une telle intervention d’un organisme public dans la vie spirituelle peut ainsi sembler déplacée ou même faire figure d’ingérence.
    Pour autant dans un royaume où 95% de la population est d’obédience bouddhiste Theravada, la religion est un élément fondateur de l’identité nationale. A ce titre toute dégradation de son image porte directement atteinte à la Thaïlande, c’est pour cela que le royaume s’est doté d’organisme et de loi pour prévenir des dérives éventuelles.
    On compte donc plusieurs dizaines de loi concernant le statut des moines ainsi que leurs conduites vestimentaires ou celles dans la sphère publique. A ce titre, il est par exemple interdit pour un non bonze de revêtir la robe safran sous peine de sanction, et ce même à titre de « déguisement ».
    L’autre exemple frappant que la foi est très encadrée dans le royaume est l’interdiction du commerce de représentation du bouddha par un non pratiquant ainsi que son utilisation comme élément décoratif.
    Pour autant ces lois s’appliquent quasi exclusivement aux Thaïlandais car on ne compte pas le nombre de touristes achetant des bouddhas sur les marchés de la capitale et qui ne sont jamais inquiétés par les autorités.

    Une religion de moins en moins vertueuse

    L’ampleur donnée au cas de ce jeune moine fait ici figure d’exemple dans un pays où de manière chronique on voit apparaître des « scandales » plus ou moins important en lien avec la religion.
    En 2011 par exemple un bonze a été retrouvé mort avec près de trois millions de dollars en sa possession, plus récemment des moines voyageant avec des produits de luxes (lunettes, sacs…), avaient aussi défrayés la chronique dans le royaume. Des histoires de mœurs ou d’abus de confiance ont aussi terni l’image du bouddhisme en Thaïlande.
    Une évolution qui est essentiellement due à la culture de consommation qui s’est installée petit à petit au sein de la société thaïlandaise. L’argent devient alors un moyen de conserver son statut social et de réaffirmer son existence dans une société où les valeurs traditionnelles mises à mal par le consumérisme et le culte de la réussite sociale.
    Et ce phénomène ne touche pas que les cercles les plus hauts placés du clergé, il s’est progressivement répandu quelques soit le statut des bonzes et ce surtout chez les plus jeunes qui sont nés dans le monde du numérique.
    Ainsi dans les rues de la capitale, il n’est pas surprenant de croiser des bonzes avec un iPad ou un iPhone dernière génération, bien loin de l’image des moines qui vivent dans la simplicité et l’aumône.

    Une foi qui recule

    A l’instar de l’Europe, les dérives religieuses en Thaïlande ne sont pas des faits récents. Déjà dans les années 90 un article universitaire ciblait le problème avec « La crise du bouddhisme en Thaïlande (1990-1996) ».
    Un phénomène qui s’accompagne d’une baisse du nombre de bonze en activité dans le pays, environ 250 000 officiellement en 2012. Mais un chiffre de 70 000 moines effectifs était évoqué en 2013 au sein d’un article du « Monde des Religions ».
    Ce même article du « Monde des religions » révélait aussi une baisse de la fréquentation des temples dans les campagnes, principalement utilisés durant les cérémonies et délaissés en temps normal.
    Une évolution de la religion que tout un chacun pouvait observer durant Songkran. En effet durant le nouvel an bouddhiste, les temples de la ville étaient plutôt calmes même ceux où des processions étaient réalisées, alors que qu’une foule compacte se rassemblait sur Khao San Road pour une bataille d’eau géante.
    Avec de nombreux gardes fous, la Thaïlande s’efforce de garder une religion en adéquation avec ces principes historiques. Un défi important et complexe au vu de l’écart de plus en plus marqué entre les principes de la vie monacale et le style de vie du reste de la société.

    « Sombath SomphoneMeuang täm »
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