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Les bons points de l'oncle Sam
Les Etats-Unis épinglent la Thaïlande, félicitent la Malaisie
La Thaïlande a été accusée lundi par les Etats-Unis de ne pas lutter assez contre la traite des êtres humains dans son rapport TIP (Trafficking in Persons) qui classe le royaume cette année encore dans la même catégorie que certains états voyous. Le même rapport félicite en revanche la Malaisie. Bangkok n’a pas apprécié. Certaines ONG non plus.
La Thaïlande a été maintenue au bas du classement des pays perçus comme fermant les yeux sur le commerce d’êtres humains issu d’un rapport annuel rendu public lundi par le département d’État américain.
Ce classement, qui prend en compte 188 pays, se décline en quatre catégories : 1, 2, 2 "liste de surveillance", et 3.
Les pays relégués en catégorie 3 sont accusés de ne pas respecter les normes internationales et de ne pas faire d’"efforts significatifs" en matière de lutte contre la traite d’êtres humains. On y retrouve des pays tels que l’Iran, la Libye, la Corée du Nord, l’Erythrée, la Syrie, le Yémen, ou encore le Zimbabwe. La plupart d’entre eux figuraient déjà au plus bas de ce classement dont l'édition 2015 vient d’être dévoilée par le chef de la diplomatie américaine, John Kerry.La Thaïlande critiquée
Rétrogradé en catégorie 3 en 2014, le pays du sourire y est maintenu cette année, les rapporteurs estimant que les autorités thaïlandaises n’ont pas fait assez pour lutter contre la traite de centaines de milliers de personnes qui essayent d’atteindre son territoire par voie terrestre ou maritime. La Thaïlande est notamment accusée d’ignorer la complicité de ses hauts responsables dans le trafic très rentable d’êtres humains, qui continue de prospérer entre les provinces du sud et la Malaisie.
La Thaïlande, pays allié de longue date de Washington mais avec qui les relations sont tendues depuis le coup d’État de 2014, est selon le département d’État "une source, une destination et un point de passage pour des hommes, femmes et enfants victimes de travail forcé et d’exploitation sexuelle".
Le ministère thaïlandais des Affaires étrangères a répondu dans un communiqué diffusé lundi que le rapport "ne reflète pas correctement les efforts importants" consentis par Bangkok.
L’ambassade de Thaïlande à Washington a même trouvé le résultat "ironique", compte tenu du fait que les voisins de la Thaïlande se trouvent dans la catégorie 2 "liste de surveillance", notamment la Malaisie qui y a été promue cette année - la Birmanie, le Laos et le Cambodge y figuraient déjà.La Malaisie gratifiée
Or, la Malaisie et la Thaïlande sont ensemble au cœur de la route des migrants musulmans Rohingya, l’une des minorités les plus persécutées au monde, qui fuient la Birmanie.
Si le maintien de la Thaïlande dans la catégorie 3 est globalement soutenu par les ONG, la remontée de la Malaisie dans le classement a suscité l’indignation d’associations de défense des droits de l’homme, qui dénoncent "une décision manquant de crédibilité".
Le rapport félicite la Malaisie pour ses "efforts importants" dans la lutte contre la traite d’êtres humains, en se limitant à ajouter qu’elle reste toutefois une "destination et, dans une moindre mesure, une source et un point de passage pour des hommes, des femmes et des enfants victimes de travail forcé et d’exploitation sexuelle".
Une ONG américaine, Alliance to End Slavery and Traffiking (Atest), estime pour sa part que l’avancement malaisien serait lié aux négociations en cours entre les États-Unis et des pays d’Asie-Pacifique sur le traité de libre-échange Partenariat Trans-Pacifique (TPP).
Néanmoins, le rapport porte sur la période allant du 1er avril 2014 au 31 mars 2015, il ne prend donc pas en compte le scandale des migrants d’Asie du Sud-est mis au jour par la découverte début mai de fosses communes en Thaïlande puis trois semaines plus tard en Malaisie, ni la campagne anti-trafic menée par la Thaïlande.
"Malgré ce classement, la Thaïlande continuera à faire de son mieux pour surmonter les défis restants, tout en promouvant la sécurité et en maintenant notre vieille tradition de dévotion à l’humanitarisme", poursuit le communiqué du ministère thaïlandais des Affaires étrangères.
Des mesures répressives mises en places par Bangkok en mai avaient déstabilisé les réseaux des trafiquants, poussant ces derniers à abandonner plusieurs milliers de personnes en haute mer et dans des camps de transit en pleine jungle.
Un véritable jeu de ping-pong humain s’était déroulé au large des côtes thaïlandaises, birmanes et malaisiennes au cours du mois de mai. Une crise humanitaire qui avait provoqué l’indignation internationale et obligé les pays d’Asie du Sud-est à réagir.
Le général Prayuth Chan-O-Cha, chef de la junte militaire au pouvoir depuis le coup d’état du 22 mai 2014, a expliqué aux reporters peu avant la publication du rapport, qu’il ne s’attendait pas à voir la Thaïlande remonter dans le classement américain cette année.
Il a néanmoins répété que la lutte contre la traite d’êtres humains restait une priorité nationale et que tout officier impliqué serait poursuivi. "J’espère résoudre le problème, mais il faudra du temps. Il ne peut pas être résolu en un jour, un mois ou un an".
Vendredi dernier, le procureur de Bangkok avait déclaré que 72 personnes dont un officier supérieur de l’armée seraient inculpées pour ce trafic . Mais plusieurs organisations humanitaires et d’autres observateurs se sont étonnés de ne voir qu’un seul haut gradé militaire parmi les prévenus, et beaucoup doutent que ces quelques arrestations puissent vraiment mettre fin à un trafic aussi enraciné.
La très rentable industrie thaïlandaise de la pêche est également accusée d’employer des esclaves issus du Cambodge et de Birmanie qui triment en haute mer pendant des années sans toucher la terre ferme.
L’Union Européenne, en début d’année, a menacé la Thaïlande d’un embargo si cette dernière ne régulait pas davantage le secteur de la pêche.
D’après l’Organisation internationale du travail (OIT), la traite des êtres humains représenterait 150 milliards de dollars de gains par an, dont 99 milliards pour la seule industrie du sexe.
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