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    Trafics d'humains

    La chasse aux camps-prison s’accélère mais de nouveaux dangers émergent

    Après la découverte ces derniers jours de fosses communes à la frontière entre la Thaïlande et la Malaisie, les autorités thaïlandaises accentuent la chasse aux "camps-prison" secrètement établis par les trafiquants d’êtres humains et font le ménage en leur propre sein pour punir les ripoux. Mais cette lutte contre le trafic humain chère à une junte en mal d’image, pousse les malfaiteurs à s'enfoncer dans la jungle, créant de nouveaux dangers pour leurs otages.
    Les enquêteurs thaïlandais sur la piste de trafiquants d’êtres humains dans le sud de la Thaïlande ont découvert mercredi six nouveaux cadavres dans un deuxième camp situé à un kilomètre à peine du premier localisé samedi dans lequel les autorités avaient exhumés durant le week-end 25 corps et découvert un cadavre abandonné.
    Les deux sites se trouvent à 25 kilomètres à l’ouest de la ville de Padang Besar, dans la province de Songkhla, près de la frontière avec la Malaisie.
    Les autorités thaïlandaises n’ont pas encore identifié les corps retrouvés dans un état de décomposition avancé.
    Mais les victimes sont manifestement des migrants de Birmanie et du Bangladesh selon les enquêteurs. Et bien que les experts légistes doivent encore déterminer les causes des décès, la police estime qu’ils sont probablement morts de malnutrition ou de maladie.

    Parqués comme des bêtes

    Des images du deuxième camp diffusées par la chaine de télévision thaïlandaise Channel 3 montraient mardi de la vaisselle et des couvertures abandonnées sur le sol, ainsi qu’un vaste enclos dans lequel les migrants étaient vraisemblablement enfermés.
    Le premier camp avait trois structures similaires, ce qui a amené le porte-parole de la police thaïlandaise, Prawut Thavornsiri, à décrire l’endroit comme un "camp-prison" pour migrants.
    [Photo d'écran LPJ Bangkok.com] Chaque année, des dizaines de milliers de candidats à l'exil transitent par le sud de la Thaïlande, vers la Malaisie et au-delà, pour fuir la pauvreté au Bangladesh ou les persécutions, dans le cas des musulmans rohingyas de Birmanie.
    La frontière entre la Thaïlande et la Malaisie est sillonnée de chemins de contrebande et est connue pour ses réseaux de camps secrets dans lesquels les migrants victimes de trafic sont détenus, généralement contre leur gré, jusqu’à ce que des proches payent de lourdes rançons.
    Une récente enquête menée conjointement par la police et des ONG révèle que les trafiquants demandent généralement autour de 3.000 dollars (environ 2.500 euros) par migrant à leurs proches, ou alors les vendent pour 1.000 dollars (environ 850 euros) par tête à des fermiers malaisiens, rappelait mardi l’organisation de lutte contre le trafic humain, Freeland.
    Jusqu'ici, le passage par ces camps cachés dans la jungle thaïlandaise était une voie classique, même si les autorités restent discrètes sur le nombre de camps repérés dans la jungle du sud du royaume.

    Des dizaines de fonctionnaires impliqués

    Piquée au vif par la triste réputation de la Thaïlande d’être une plaque tournante régionale du trafic humain, la junte a commencé il y a quelques mois à faire la chasse aux trafiquants.
    Plusieurs camps ont été l'objet de raids ces derniers mois et plusieurs trafiquants ont été interpellés ainsi que des officiels.
    Plusieurs dizaines de fonctionnaires (dont des membres de la police et de l'armée) sont soupçonnés d'avoir travaillé main dans la main avec les trafiquants.
    En janvier, la junte au pouvoir a déclaré avoir engagé des poursuites contre plus d’une douzaine de responsables de l’Etat, parmi lesquels des policiers et un haut gradé de la Marine.
    La police a de son côté transféré plus de cinquante de ses agents ces derniers jours, parmi lesquels une douzaine d’officiers des services de l’immigration des provinces de Ranong, Satun et Songkhla.
    Et selon Prawut, cinq responsables de la ville de Padang Besar auraient été arrêtés pour trafic d’êtres humains depuis la découverte du premier camp, dont un suspect qui s’est rendu aux autorités mardi matin. Trois autres personnes sont en fuite.
    Les organisations de défense des droits de l’homme ont par ailleurs applaudi l’arrestation du trafiquant birman nommé Soe Naing, alias Anwar, et qui serait semble-t-il rohingya lui-même. Anwar est présenté par le chef adjoint de la police de Nakhon Si Thammarat, Anuchon Chamart, comme une "figure importante qui dirigeait des camps et demandait des rançons".

    Les faibles abandonnés

    Néanmoins, les organisations de défense des droits de l'homme craignent que la fermeté nouvellement affichée par la junte vis-à-vis du trafic humain ne génère de nouveaux dangers pour les clandestins, les gangs de trafiquants laissant derrière eux les plus faibles lorsqu’ils abandonnent les camps pour éviter d’être capturés par les autorités.
    Les récents raids ont en effet conduit les trafiquants à déplacer leurs camps vers des zones encore plus inaccessibles de la jungle.
    Selon la police, le camp découvert la semaine dernière près de Padang Besar, dans la province de Songkhla, n'avait été abandonné que deux jours plus tôt.
    Avec les morts enterrés dans des tombes anonymes, les trafiquants ont laissé derrière eux deux survivants malades et rachitiques qui sont actuellement hospitalisés, ainsi que le cadavre d’un migrant récemment décédé. Deux adolescents ont apparemment pu s’échapper à pied.
    "Les raids se sont intensifiés ces derniers mois et les trafiquants ne cessent de déplacer leurs camps, abandonnant ceux qui sont trop malades pour partir avec", explique à l'AFP Chris Lewa, de l'organisation Arakan Project, qui tente d'établir un suivi du phénomène, sur la base de nombreux entretiens avec des clandestins et des trafiquants.

    Des bateaux-prisons

    Selon Arakan Project, ces raids ont conduit les trafiquants à remplacer désormais leurs camps dans la jungle par des bateaux-prisons, dans les eaux internationales au large de la Thaïlande, plutôt que prendre le risque de les emmener sur le continent.
    "Il y a un gros goulot d'étranglement en mer. C'est une situation encore plus dangereuse", assure Chris Lewa.
    Abdul Aziz Kade-in, de l'Association des jeunes musulmans de Thaïlande, qui aide des Rohingyas à Songhkla, explique que les trafiquants et les clandestins recherchent désespérément de nouvelles voies de passage.
    "Les migrants vont sans doute cesser de venir pendant un temps, ou suivre de nouveaux itinéraires, comme de prendre la mer et d'aller directement ensuite en Malaisie ou en Indonésie", explique-t-il.
    L’exode des Rohingyas – l’une des minorités les plus persécutées au monde selon l'ONU – s’est accéléré après l’explosion de violences communautaires qui font rage dans l’état Rakhine dans l’ouest de la Birmanie, depuis 2012.
    Des réfugiés rohingyas vivant au Bangladeshs ont aussi kidnappés et envoyés en Thaïlande, après avoir été dupés avec des offres d’emploi bidon ou drogués.

    Sauver la face et le business

    Les autorités thaïlandaises, jusqu'ici accusées par les organisations de défense des droits de l’homme de laisser-faire – voire d’être complice -, affirment être désormais déterminées à punir les trafiquants, "quels qu'ils soient et quelle que soit leur fonction", assure Sansern Kaewkamnerd, porte-parole de la junte.
    Selon les analystes, cette soudaine frénésie de la junte à combattre le trafic d'êtres humains est motivée par les craintes de sanctions économiques.
    Le mois dernier, ajoutant sa voix aux critiques de Washington, l'Union européenne a menacé de boycotter les importations de produits de la mer de Thaïlande, un secteur économique important du royaume, s'il ne met pas fin aux pratiques d'esclavage moderne des migrants sur ses bateaux de pêche.
    Face à une croissance en berne en Thaïlande, "le gouvernement militaire ne peut pas se permettre un nouveau coup à son économie. Il doit donc montrer à la communauté internationale qu'il prend désormais sérieusement en charge ce problème", analyse Puangthong Pawakapan, professeur de relations internationales à l'université Chulalongkorn de Bangkok.
    Pour Paul Chambers, directeur de recherches à l’Institut des Affaires du Sud-est asiatique à Chiang Mai, la fermeté soudaine du gouvernement a également une fonction cosmétique.
    "Alors que l’image de la Thaïlande est déjà entachée par sa tendance aux coups d’Etat, l’idée qu’une junte militaire puisse faire mieux en termes de lutte contre le trafic d’êtres humains est quelque chose qui pourrait malgré tout atténuer les affres de son apparence de junte," a-t-il déclaré à l’AFP.
    En Malaisie, les Rohingyas qui sont passés savent que leurs proches sont désormais pris entre les coups de tête de trafiquants de plus en plus sous pression et les aléas de la politique thaïlandaise.
    Et les récentes découvertes de fosses communes n’ont fait que générer davantage de craintes.
    "Ils sont inquiets de savoir si leurs bien-aimés ou amis sont parmi les morts ou sont encore détenus dans d’autres camps," indique Saifullah Muhammad, un militant rohingya à Kuala Lumpur.
    "Ou même pire encore, sont morts dans quelque autre tombe anonyme," ajoute-t-il.
    Les deux adolescents récupérés la semaine dernière par les autorités ont échappé à ce sort tragique. Mais maintenant c’est un autre avenir incertain, dans un camp de détention pour immigrés illégaux, où les conditions de vie sont difficiles, qui les attend.

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