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Un an déjà
Un an déjà
Manifs anti-junte en Thaïlande pour l’anniversaire du coup d’Etat
Dépôt symbolique d'une plainte pour "trahison" contre le chef de la junte dans une Thaïlande où les manifestations sont interdites.
Des opposants ont osé vendredi marquer le premier anniversaire du coup d'Etat. Plusieurs dizaines ont été interpellés puis relâchés samedi. Vendredi soir, une cinquantaine d'étudiants avaient tenté de s'enchaîner à un centre commercial du centre de Bangkok. Nombre d'entre eux avaient été interpellés, parfois sans ménagement, par des membres des forces de l'ordre, dont certains étaient en civil, selon des journalistes de l'AFP qui se trouvaient sur place.
"Les 31 étudiants ont été libérés [samedi] matin. Aucune procédure n'a été ouverte contre eux", a assuré un responsable de la police de Bangkok, Chayapol Chatchaidet.
"Les policiers les ont simplement invités à venir discuter, ils n'ont pas été arrêtés" formellement, a-t-il ajouté.
A Khon Kaen, ville de l'est du pays où des étudiants avaient déjà réussi il y a quelques mois à interrompre un discours du chef de la junte, plusieurs étudiants ont aussi été arrêtés, pour avoir "brandi des pancartes dénonçant le coup d'Etat", a confirmé la police à l'AFP.
Elle parle de sept personnes interpellées, les opposants de 13. Le groupuscule Resistant Citizen avait lancé sur les réseaux sociaux un appel à marcher vers un tribunal pour y déposer symboliquement une plainte pour "trahison" contre le chef de la junte, le général Prayut Chan-O-Cha, ayant renversé un gouvernement démocratiquement élu.
Une poignée de manifestants ont été interpellés en chemin, mais la plainte a pu être déposée selon le groupe.
Les quatre manifestants interpellés en chemin ont été libérés.
Pendant ce temps, Prayut, bombardé Premier ministre après le coup d'Etat, recevait une équipe de football féminine au siège du gouvernement. Il a justifié le coup d'Etat:
"Si je ne l'avais pas fait, je me demande si notre pays se serait déjà effondré".
L'armée thaïlandaise a pris le pouvoir le 22 mai 2014, après des mois de manifestations contre le gouvernement élu de Yingluck Shinawatra.
Ce jour-là, les militaires avaient réuni pour des négociations des représentants des manifestants et du gouvernement dans un complexe militaire de la capitale.
Quelques heures après le début des négociations, la confusion avait régné quand les leaders politiques des deux camps avaient été emmenés sous escorte dans des véhicules militaires, vers des destinations inconnues. Dans les semaines ayant suivi le coup d'Etat, les militaires avaient "invité" à des "réajustements d'attitude" des centaines d'opposants, militants et intellectuels, certains ayant été confinés plusieurs jours dans des casernes, y compris l'ex-Première ministre.
Selon l'ONG locale iLaw, qui recense les interpellations, 751 personnes ont été "convoquées" par les autorités en un an de junte. Et 166 ont été interpellées, le plus souvent brièvement, pour avoir exprimé leur opinion dans un lieu public.Thaksin attend et se "maintient en forme"
Un an plus tard, même si l'économie reste en berne, aucun mouvement d'opposition d'ampleur n'est perceptible. Les Chemises rouges, principal mouvement de soutien au clan Shinawatra, avaient annoncé qu'ils ne descendraient pas dans la rue vendredi.
Thaksin Shinawatra, frère de Yingluck, lui-même renversé en 2006 par un coup d'Etat, a assuré, dans une rare interview vendredi sur CNN:
"j'attends, je ne suis pas pressé". "Je me maintiens en forme, c'est tout ce dont j'ai besoin. Etre patient. Je peux attendre, le moment viendra", a-t-il dit.
Les appels de Thaksin à la patience, ajoutés aux risques d'arrestation, explique l'absence de grande manifestation vendredi, estime Paul Chambers, de l'Institut des affaires du Sud-Est de Chiang Mai, dans le nord de la Thaïlande.
La concentration des pouvoirs entre les mains des militaires "a été facilitée par l'absence de réelle résistance de la part de Thaksin et des Chemises rouges, le succès d'une répression ciblée et les divisions persistantes au sein de la société", résume-t-il.
Aujourd'hui, alors que plusieurs hommes politiques font déjà l'objet de poursuites et que la junte repousse les élections sine die, Yingluck est déjà bannie de vie politique pour cinq ans. Elle risque maintenant jusqu'à dix ans de prison. Son procès s'est ouvert quelques jours avant la date anniversaire du 22 mai.
Il y a un an, les militaires avaient justifié leur action par la nécessité de défendre la monarchie, alors que le roi de 87 ans est affaibli physiquement. Au coeur de leur agenda, estiment leurs détracteurs: la mise en place de mécanismes, notamment via une nouvelle Constitution en cours d'écriture, empêchant aux Shinawatra de revenir au pouvoir par le jeu des élections.
Lors des précédentes mobilisations, qui s'étaient taries quelques semaines après le coup d'Etat, des étudiants avaient distribué des copies du roman d'Orwell "1984" ou fait le salut à trois doigts inspiré du film "The Hunger Games".
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