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Yingluck suite
Première audience du procès de Yingluck
L'ex-Première ministre thaïlandaise, Yingluck Shinawatra, a clamé son innocence, mardi, à l'ouverture de son procès, alors que son beau-frère, un autre ancien chef de gouvernement, doit passer devant la justice jeudi. Son frère Thaksin, bête noire de la junte militaire au pouvoir, a appelé au "respect de la loi".
"Yingluck, bats-toi!", ont lancé plusieurs dizaines de manifestants venus lui apporter leur soutien devant la Cour suprême, à l'ouverture de son procès, ironiquement fixé presque un an presque jour pour jour après le renversement de son gouvernement par l'armée.
Cette manifestation populaire défiant la junte est rare dans un pays où les rassemblements politiques restent interdits et les élections sont repoussées sine die.
Yingluck n’est pas personnellement accusée de corruption mais de ne pas avoir agi pour éviter des faits de corruption supposés dans le cadre de ce programme qui a coûté plusieurs milliards d’euros à l’Etat thaïlandais.
"Je suis innocente. Et j'espère que la cour me rendra justice", a déclaré l'ex-Première ministre, plaidant non coupable de négligence dans un coûteux programme gouvernemental de subvention à la riziculture, émaillé de corruption, selon ses détracteurs.L'ancienne Première ministre encourt dix ans de prison.
Yingluck dit exclure de fuir le pays pour échapper à la justice comme l'a fait son frère Thaksin Shinawatra, également ancien Premier ministre. Thaksin, évincé du pouvoir et du royaume par un coup d'Etat en 2006, avait, après un bref retour au pays, fait le choix de l'exil en août 2008, trois mois avant qu’un tribunal le condamne à deux ans de prison pour conflit d’intérêts.
"Respectez la loi"
Au moment même où sa sœur clamait son innocence devant la justice, le milliardaire a fait, depuis Séoul, une sortie remarquée sur la nécessaire indépendance de la justice, en prenant garde de ne pas faire directement référence au sort de sa sœur.
"La clé de la bonne gouvernance et de la démocratie est de trouver un équilibre entre les branches du pouvoir judiciaire, législatif et exécutif", a déclaré Thaksin devant un forum d'investisseurs à Séoul, dans une rarissime prise de position publique.
"Il faut respecter la loi, c'est un atout très important pour la crédibilité de chaque pays", a insisté l'ancien policier qui a fait fortune dans les télécommunications.
"Dans chaque pays, il y a toujours deux sociétés: les riches et les pauvres, ceux qui ont des opportunités et ceux qui en ont moins", a-t-il ajouté, ressortant les arguments qui ont fait son succès électoral depuis le début des années 2000, notamment dans les campagnes pauvres du nord et du nord-est de la Thaïlande.
"Nous devons éradiquer la pauvreté, notamment dans les pays émergents, afin de laisser le peuple choisir de bons hommes politiques et conserver une bonne démocratie", a insisté Thaksin, bête noire des élites traditionnelles du royaume de Thaïlande, voyant en lui une menace à l'hégémonie de la royauté.Punie par les faucons
Certains analystes voient le procès ouvert contre Yingluck comme le dernier coup porté à la famille Shinawatra, qui domine la scène politique thaïlandaise depuis quinze ans, au grand dam des élites conservatrices ultra-monarchistes comme l'armée aujourd'hui au pouvoir.
Pour Puangthong Pawakapan, spécialiste de politique à l'université Chulalongkorn de Bangkok, "une faction de faucons de l'ancien régime (...) veut punir les Shinawatra autant que possible".
"Mais la mettre en prison ne fera qu'augmenter la colère des Chemises rouges", puissant mouvement populaire pro-Shinawatra qui respecte depuis le coup d'Etat du 22 mai les consignes de ses dirigeants de ne pas sortir dans la rue et de garder un profil bas.
Néanmoins, Thitinan Pongsudhirak, expert en sciences politiques à l’université Chulalongkorn, estime lui que les militaires pourraient plutôt chercher à utiliser la menace du procès de Yingluck comme moyen de pression sur le clan tout entier pour s’assurer la docilité de ce dernier, plutôt que pousser pour une vraie condamnation. Une pratique courante dans la vie politique thaïlandaise.
"Les chefs d’accusation contre elles, criminels et autres, vont s’enliser aussi longtemps qu’elle et les forces fidèles à son frère Thaksin se comporteront et joueront le jeu correctement. S’ils s’agitent et se mobilisent contre le coup, alors le nœud se resserrera autour d’elle," suggère-t-il.
La prochaine audience pour le procès de Yingluck a été fixée au 21 juillet. Dans l'intervalle, elle reste libre, après versement d'une caution de 30 millions de bahts (780.000 euros). Elle devra néanmoins toujours demander une autorisation de sortie de territoire pour tout voyage à l'étranger.
Peu après l’audience de Yingluck, mardi, le chef de la junte au pouvoir, Prayut Chan-O-Cha, a émis la possibilité d’un referendum sur la nouvelle Constitution qu’il présente comme la clé pour résorber les divisions qui minent le royaume depuis plus de dix ans.
Les militaires ont justifié le coup d'Etat par la protection de la monarchie, alors que le roi de 87 ans est affaibli physiquement. Ils repoussent sine die toute élection, le temps de mettre en place les mécanismes empêchant le retour au pouvoir par les urnes des Shinawatra, dénoncent leurs détracteurs.
Les Shinawatras, ou leurs lieutenants, ont remporté toutes les élections générales depuis 2001.
Mais leurs opposants les accusent de népotisme et de corruption – caractéristiques communes à la plupart des partis politiques – et leur reprochent aussi de mettre en place des politiques populistes ruineuses pour le pays afin d’acheter les voix des masses pauvres.
Cela leur a valu de subir deux coups d’Etat militaires et trois destitution de Premiers ministres sur décision de justice, tandis que Bangkok a eut à souffrir de plusieurs vagues de manifestations meurtrières et dévastatrices pour l’économie de tout le pays.
Somchai Wonsawat, beau-frère de Yingluck et Thaksin et ancien Premier ministre (2008), doit lui aussi comparaitre devant la justice jeudi qui doit le juger pour sa responsabilité dans la répression de manifestations anti-gouvernementales en 2008.
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