• Corruption

    Des officiers accusés de lèse-majesté, la police dans le collimateur

    Trois responsables de la police thaïlandaise, soupçonnés d'être à la tête d'un réseau de corruption, sont accusés de lèse-majesté, rare utilisation de cette loi controversée contre des hauts-fonctionnaires, qui porte un coup sévère à la police du royaume.
    Arrêtés samedi soir, le chef du Bureau central des investigations Pongpat Chayapun, son adjoint Kowit Vongrongrotet et un général, chef de la police maritime, ont été démis de leurs fonctions et placés en détention.
    Quatre autres policiers et cinq civils ont également été arrêtés dans cette affaire, a précisé la police mardi. Mais seuls les trois officiers sont inculpés pour lèse-majesté, un crime puni de 15 ans de prison. La famille royale thaïlandaise est en effet protégée par une des législations les plus sévères au monde, ce qui explique une forte autocensure des médias, y compris internationaux, sur le sujet. Le chef de la police a expliqué lors d'une conférence de presse très suivie que grâce à "des déclarations mensongères", les suspects ont pu récolter illégalement de l'argent. Il n'a cependant pas précisé la façon dont ils auraient récolté ces fonds en prétendant être des représentants de la monarchie.
    "Les suspects ont fait des déclarations mensongères pour gagner de l'argent grâce à des promotions au sein de la police, aux jeux d'argent illégaux, et à du commerce illégal de pétrole", a déclaré Somyot Poompanmoung, chef de la police nationale.
    Les enquêteurs ont annoncé la saisie de biens d'une valeur totale de deux milliards de baths, soit 49 millions d'euros. Défenses en ivoire, meubles anciens, dizaines de statues bouddhistes et hindoues, peintures, lingots d'or, bijoux et argent liquide ont été découverts dans plus de 15 cachettes du réseau
    . D'après le chef de la police, d'autres trésors sont certainement encore cachés et la police poursuit ses investigations. Outre l'accusation de lèse-majesté, les officiers sont poursuivis pour subornation et corruption.

     "Démanteler la structure de pouvoir de la police"

     

    La junte militaire au pouvoir depuis le coup d'Etat du 22 mai a fait du crime de lèse-majesté l'une de ses priorités, dans un contexte d'incertitude liée à la succession du roi de 86 ans, hospitalisé. Les poursuites et condamnations sous ce motif sont en constante augmentation mais elles concernent rarement des fonctionnaires du rang des policiers mis en cause.
    Dernière condamnation en date, lundi, un éditeur de site internet a été condamné par un tribunal militaire à quatre ans et demie de prison pour lèse-majesté.
    "Il était assez commun dans les années 1990 que des officiers de haut rang soient accusés de lèse-majesté. Mais ces dix dernières années, cette accusation a principalement été utilisée contre des militants pro-démocratie et des partisans des Chemises rouges. Que de hauts-officiers puissent être inculpés est une surprise et peut-être le signe des efforts des militaires pour démanteler la structure de pouvoir de la police", analyse l'universitaire David Streckfuss.
    "Les accusations contre ces officiers de la police pourraient être une tentative pour se débarrasser de responsables que la junte estime être pro-Thaksin dans la police. La junte essaye d'affaiblir la police tout en se faisant un instrument de l'armée", complète Paul Chambers, de l'Institut des Affaires du sud-est asiatique.
    De nombreux intellectuels et organisations jugent que les affaires de lèse-majesté sont souvent politiques, relevant qu'un grand nombre d'accusés ont des liens avec le mouvement des Chemises rouges, partisan de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra.
    Le milliardaire, renversé par un coup d'Etat en 2006, reste le facteur de division du royaume. Sa sœur Yingluck a été, après des mois de manifestations, chassée de son poste de Premier ministre par la justice en mai, deux semaines avant le nouveau putsch.
    Dans un rapport publié mardi, l'ONG Human Rights Watch (HRW) estime que les libertés en Thaïlande sont tombées "dans un puits sans fond". "Six mois après le coup d'Etat, ceux qui émettent des critiques sont systématiquement poursuivis, les activités politiques sont interdites, les médias censurés et les dissidents poursuivis devant les tribunaux militaires", estime Brad Adams, responsable Asie de l'organisation

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