• Ile de déchets

    Un gigantesque "continent" de déchets se forme dans le Pacifique Nord

    Dans le Nord-est du pacifique, entre la Californie et Hawaï, les déchets produits par les activités humaines et déversés dans les océans sont acheminés par les courants marins vers un nouveau "continent" boulimique dont la taille atteint près de 3,5 millions de km² ! En 1997, le capitaine Charles Moore a été le premier à découvrir cette zone improbable de l'océan Pacifique où les déchets plastiques flottants s'accumulent. Ainsi, selon des observations effectuées depuis plus de 15 ans par l'Algalita Marine Research Foundation, sous l'effet des courants marins, les déchets provenant des littoraux et des navires, flottent pendant des années avant de se concentrer dans deux larges zones connues sous les noms de "Plaque de déchets du Pacifique est" (Eastern Pacific Garbage Patches) et "Plaque de déchets du Pacifique ouest" (Western Pacific Garbage Patches). Ces deux plaques forment la "Grande plaque de déchets du Pacifique" (Great Pacific Garbage Patch), un monstre dont la taille aurait déjà triplé depuis les années 90 et qui s'étendrait maintenant sur 3,43 millions de km², soit près d'un tiers de la superficie de l'Europe ou encore cinq fois la superficie de la France ! D'après les estimations, cette soupe océanique pourrait être composée de 750 000 débris par km² ; Greenpeace évoquait même fin 2006 près d'un million de déchets par km² dans son rapport sur les débris plastiques et la pollution des océans. Ainsi, selon Chris Parry, chef de programme d'éducation du public, de la California Coastal Commission de San Francisco, depuis plus de 50 ans, les déchets tourbillonneraient sous l'effet du gyre subtropical du Pacifique Nord (North Pacific Gyre) et s'accumulent dans cette zone peu connue : peu de routes commerciales et peu de bateaux de pêches l'empruntent. A l'image d'un puissant siphon marin, le vortex attirerait vers lui tous les résidus de notre société de (sur)consommation. Toutefois, contrairement au siphon, les déchets ne sont pas "aspirés" mais accumulés et bien visibles.

    Le plastique : principal constituant du "continent" de déchets.

    Jusqu'alors les débris flottants étaient détruits par les micro-organismes mais cela n'est plus le cas avec l'arrivée du fameux plastique. En effet, les plastiques constituent 90 % des déchets flottant sur les océans. Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement mentionnait en juin 2006 qu'on trouve en moyenne 46 000 morceaux de plastique par 2,5 km² d'océan sur une profondeur d'environ 30 mètres ! Ce "continent" de déchets plastique ressemble davantage à une soupe de plastique constitué de macro déchets éparses mais surtout de petits éléments invisibles sans une fine observation. C'est en filtrant l'eau que l'on découvre une mixture composée de petits morceaux de plastique qui se sont fractionnés mais aussi des granulés de plastique qui sont utilisés comme matière secondaire pour fabriquer les objets en plastique. En certains endroits, la quantité de plastique dans l'eau de mer est jusqu'à 10 fois supérieure à celle du plancton, maillon élémentaire de la vie dans les océans (Charles Moore, Algalita Foundation) ! On parle alors de "plancton plastique".

    Source : http://www.notre-planete.info/actualites/1471-continent_dechets_pacifique_nord

    Un "continent" de déchets mortels.

    Ce qui pose problème c'est le temps nécessaire à la dégradation de ces plastiques (estimé entre 500 et 1000 ans) et la toxicité des éléments qui les composent. L'exemple le plus classique étant la tortue qui s'étouffe avec des sacs plastiques confondus avec des méduses. Avec de telles concentrations de plastique, toute la chaîne alimentaire est affectée puisque les plus petits morceaux sont ingérés par des oiseaux, de petits poissons qui seront à leur tour mangés par de plus gros... Ainsi, Greenpeace estime qu'à l'échelle de la Terre, environ 1 million d'oiseaux et 100 000 mammifères marins meurent chaque année de l'ingestion de plastiques. Selon des scientifiques américains de l'Institut Océanographique Scripps, 3 poissons sur 10 ont ingéré du plastique dans le Pacifique Nord, soit 24 000 tonnes de plastiques boulottées par les poissons chaque année dans cette zone. Rebecca Asch, chercheuse à l'Institut Océanographique Scripps indique que "dans cette zone la plupart des morceaux de plastique sont très petits. Les déchets ont été dégradés par la lumière du soleil et les courants océaniques. Donc ça n'a rien à voir avec une bouteille ou un sac en plastique. Ce sont des tous petits morceaux de plastique de la taille d'un confetti (largeur inférieure à 5 mm). En fait ils ont la même taille que le plancton dont se nourrissent les poissons. C'est pour ça qu'ils mangent le plastique, c'est parce qu'ils le confondent avec du plancton." François Galgani, responsable à l'Ifremer de projets environnementaux précise que "la dégradation des plastiques est très variable selon le type de polymère qui les constitue et selon leur épaisseur. Certains restent en surface (polyéthylène, polypropylène) tandis que d'autres coulent (polycarbonate, polyvinyle). Les microplastiques sont plutôt issus de la dégradation progressive des premiers". On compterait des centaines de milliards de microplastiques dans les océans, 250 milliards rien qu'en Méditerranée. Ce "continent" attire des animaux marins comme les pélicans et les tortues marines dont l'espérance de vie se trouve alors diminuée. Au total, plus de 267 espèces marines seraient affectées par cet soupe colossale de déchets selon le rapport de Greenpeace.
    Enfin, ces grains de plastique agissent comme des éponges, fixant de nombreuses toxines dont des polluants organiques persistants (POP), connus pour leur nocivité et leur capacité à voyager autour du globe. Ainsi, Bisphénol A, phtalates, DDT et PCB se retrouvent dans ces morceaux de plastique à des concentrations jusqu'à 1 million de fois supérieures aux normales !

    Source : http://www.notre-planete.info/actualites/1471-continent_dechets_pacifique_nord

    Un "continent" de déchets qui modifie l'écosystème marin

    Selon une expédition menée en 2009 par l'Institut d'océanographie Scripps (Université de San Diego - USA) et dont les résultats ont été publiés en mai 2012, ce continent de déchets favorise également certains insectes marins. Ainsi, l'insecte Halobates sericeus (ou patineur de mer) profite des détritus qui flottent pour pondre dessus. En effet, cet insecte dépose naturellement ses oeufs sur des plumes d'oiseaux, des coquilles, des pierres ponces (donc qui flottent)... Cette multiplication de nouveaux supports est donc une aubaine qui contribue à leur développement. Malheureusement, cela devrait contribuer à déséquilibrer l'écosystème marin en augmentant également la population de crabes, friands des halobates...

    Que pouvons-nous faire pour endiguer ce "continent" de déchets ?

    Chaque année, environ 250 millions de tonnes de plastique sont produits : 6,4 millions de tonnes de déchets sont jetés / déversés dans les océans chaque année, soit plus de 21 fois le poids de l'Arche de la Défense. Or, leur durée de vie peut atteindre 1000 ans ! Et les plastiques biodégradables ne représentaient en 2012 que 0,27% de la production mondiale... Dans ces conditions et en l'absence de mesure radicale, le gyre du Pacifique Nord pourrait atteindre la taille de l'Europe d'ici une vingtaine d'années... Malheureusement, le nettoyage de cet océan de déchets semble insurmontable, la superficie à couvrir est trop importante et les coûts seraient colossaux selon Marcus Eriksen, directeur de recherche et d'éducation à la Algalita Marine Research Foundation : "il n'y a rien que nous puissions faire maintenant, à l'exception de ne pas faire plus de mal." De plus, cela serait dommageable aux organismes qui survivent sur ce nouvel "eldorado". En attendant d'avoir plus d'éléments corroborant l'ampleur de ce phénomène - notamment par des photos à grande échelle, aujourd'hui introuvables sur les nappes de déchets plastiques - plusieurs missions ont été lancées à l'assaut du "continent de déchets" comme celles de l'Algalita Marine Research Foundation, le projet Kaisei, et celle du CNES. Près de 15 ans après sa découverte, cette abomination colossale engendrée par nos activités semble enfin susciter un peu plus d'intérêt, alors que des soupes de déchets ont maintenant été observées dans presque tous les océans du globe, et même dans les Grands Lacs américains...

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