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    Lèse-majesté

    Deux jeunes écopent de 2 ans et demi de prison pour une pièce de théâtre

    Deux jeunes Thaïlandais, accusés d'avoir diffamé la monarchie dans une pièce de théâtre, ont été condamnés lundi à deux ans et demi de prison ferme. Il s’agit des dernières victimes de la loi controversée contre le crime de lèse-majesté alors que la junte militaire au pouvoir depuis le coup d'Etat de mai dernier intensifie sa campagne de musellement au nom de la protection du roi.
    Patiwat Saraiyaem, un étudiant de 23 ans, et Porntip Mankong, une militante de 26 ans, ont plaidé coupable, lundi, face aux accusations de diffamation après leur arrestation en août dernier, près d’un an après avoir joué la pièce "La fiancée du loup", une satire ancrée dans un royaume fictionnel.
    Ils avaient initialement écopé d’une peine de cinq ans de prison, mais la sentence a été réduite compte tenu de leur confession.
    "La Cour considère que leurs actions dans le cadre d'une pièce jouée devant un large public a porté un grave préjudice à la monarchie", a conclu le juge de la Cour criminelle de Ratchada, lisant l'énoncé du verdict devant une salle d'audience bondée de journalistes, mais aussi de représentants de l'ONU et de l'Union européenne, tant cette affaire est devenue un symbole de la répression contre la liberté de parole.
    La pièce avait été jouée en octobre 2013 dans la prestigieuse université Thammasat de Bangkok pour le 40e anniversaire de la révolte étudiante réprimée dans le sang par l'armée en 1973.

    Les fers aux pieds pour un pied de nez

    Des chaînes entravant ses pieds nus, l'étudiant Patiwat Saraiyaem, 23 ans, et l'activiste Porntip Mankong, 26 ans, sont restés sans réaction à l'énoncé de cette condamnation.
    Une douzaine de jeunes militants ont brièvement chanté des slogans en se donnant la main en soutien à leurs deux camarades – défiant l’interdiction de réunions politiques – alors que Patiwat et Porntip étaient emmenés hors du tribunal, menottés.
    Leur avocate, Pawinee Chumsri, a indiqué qu'ils acceptaient le verdict, et ne feraient pas appel.
    L'ONG Human Rights Watch a dénoncé ce verdict comme "un nouveau jour noir pour la réputation internationale de la Thaïlande", où la liberté d'expression est chaque jour un peu plus entravée, "au nom de la protection la monarchie".
    Quant à Amnesty International, qui déplore une "agression contre la liberté d’expression", elle souligne en conclusion de son communiqué que “la loi de lèse-majesté devrait être amendée en vertu des obligations légales internationales de la Thaïlande, vis-à-vis notamment de la Convention Internationale sur les droits civils et politiques”.
    La loi de lèse-majesté, connue sous le nom d'"article 112", prévoit jusqu'à 15 ans de prison pour quiconque se rendrait coupable d'acte insultant envers le roi, son épouse et leurs descendants, mais aussi ses aïeux.
    Défenseurs des droits de l’homme, avocats, intellectuels et médias doivent s’interdire de discuter en public ou de relayer des affaires de lèse-majesté car le simple fait de répéter les détails des chefs d’accusation tombe sous le coup de l’article 112.
    Impossible par exemple de citer quelles scènes de la "Fiancée du loup" sont jugées diffamatoires au risque d'être également poursuivi. La police elle-même ne le précise pas.

    Explosion du nombre d'affaires depuis le putsch

    Six autres artistes de la troupe de théâtre engagée "Prakai Fai" ("Mettre le feu" en thaï) sont recherchés et au moins deux d'entre eux sont exilés, se joignant à un exode d'intellectuels opposés à la junte.
    Mais l’affaire de "La fiancée du loup" est juste un dossier parmi de nombreux autres emmenés par la junte ces derniers mois.
    Alors que la loi martiale reste en vigueur, interdisant toute critique ou manifestation, les affaires de lèse-majesté ont été ouvertes en cascade depuis le coup d'Etat par les militaires qui se posent en défenseur de la monarchie.
    Cela d'autant plus que la dénonciation de tout crime de lèse-majesté est encouragée, avec des patrouilles renforcées de "cyber-scouts" traquant les contrevenants sur internet.
    Des groupes de volontaires ultra-royalistes comme l'Organisation de collecte des ordures ont des numéros spécialement dédiés à ces dénonciations.
    Selon la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), basée à Paris, au moins 40 personnes auraient été arrêtées depuis le putsch. Neuf d’entre elles ont déjà écopé de peines allant de deux à quinze ans de prison.
    Plusieurs hauts-responsables de la police accusés de lèse-majesté ont été inculpés, dont des proches de la princesse Srirasmi, femme du prince héritier, déchue depuis de son titre et séparée du prince.
    Parmi les anonymes tombés sous le coup de l'article 112, figure un chauffeur de taxi condamné à deux ans et demi de prison après que son passager a enregistré ses propos sur son téléphone. Un historien de premier plan a quant à lui fait l'objet d'une plainte pour avoir critiqué un roi dont le règne remonte à plus de 400 ans.

    Supprimer la dissidence et renforcer sa légitimité

    Les détracteurs estiment que la loi a largement été instrumentalisée ces dernières années à des fins politiques - par tous les bords - pour neutraliser les opposants. Mais ils soulignent que beaucoup de ceux inculpés sont liés au mouvement des Chemises rouges qui soutient les anciens Premiers ministres Thaksin Shinawatra et sa soeur Yingluck.
    En multipliant accusations et procès sous le coup de l'article 112, censé protéger le roi Bhumibol Adulyadej, 87 ans, la junte au pouvoir est accusée de vouloir remodeler le paysage politique en profondeur, afin de se débarrasser durablement de l'influence du clan Shinawatra, dont les formations remportent toutes les élections depuis 2001.
    Un intellectuel proche des Chemises rouges, Jaran Ditapichai, est à l'origine de la participation de la troupe Prakai Fai aux commémorations à l'université Thammasat. Il est lui aussi poursuivi pour "lèse-majesté" et vient de recevoir le statut de réfugié politique en France.
    Etre poursuivi pour lèse-majesté étant un marqueur à vie très handicapant dans la société thaïlandaise, le message lancé par les militaires aux dissidents en exil et plus largement à la population est clair. "Quand vous êtes accusé de l'article 112, vous ne pouvez jamais revenir en Thaïlande", dit-il.
    "La junte utilise la loi pour renforcer sa légitimité auprès des Thaïlandais," estime Paul Chambers, directeur de recherches à l’Institut des Affaires du Sud-Est asiatique à Chiang Mai.
    Les gouvernements précédents y compris celui de Yingluck Shinawatra, ont aussi fait usage de la loi en ce sens, mais la junte a été "bien plus véhémente" à affirmer "son allégeance à la monarchie" à travers cette répression, ajoute Chambers.
    Andrea Giorgetta, de FIDH considère lui aussi que la junte tire sa légitimité de la monarchie et prédit que la chasse aux lèse-majestés va se poursuivre.
    "Nous nous attendons à voir beaucoup plus de gens aller en prison durant les prochains mois. Quasiment toutes les affaires ont été antidatées (pour de prétendues insultes) avant le coup," a-t-il confié à l’AFP. "C’est une situation très sombre pour les droits de l’homme en Thaïlande."

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