• Protestation

    La musique Mo Lam

    Le chant protestataire Mo Lam face à la modernité et à la censure

    Dans un sourire édenté de nonagénaire, Gaew entonne un chant Mo Lam: cette musique des campagnes de Thaïlande a su s'adapter à la modernité et se moquer des élites conservatrices de la capitale. Mais elle se retrouve face au défi de la censure militaire.
    A l'origine, la musique Mo Lam avait été développée pour propager les croyances bouddhistes auprès des paysans analphabètes de cette région rurale pauvre de l'Isan, dans le nord-est de la Thaïlande.
    Mais les paroles de ces chants traditionnels se sont au fil du temps chargées d'humour, se mettant à raconter histoires d'amours contrariées, difficultés de la vie à la campagne et remous politiques.
    Aujourd'hui, une variante moderne de Mo Lam funk est populaire auprès des jeunes, au grand dam des puristes.
    Mais les voix discordantes ont bien du mal à se faire entendre depuis un coup d'Etat militaire à Bangkok en 2014. En particulier dans le nord et le nord-est de la Thaïlande, cœur historique des partisans du gouvernement renversé de Yingluck Shinawatra.
    "Le Mo Lam, c'est notre histoire, notre culture", ancrée dans le fait que jusqu'au siècle dernier l'Isan échappait au contrôle de la monarchie absolue thaïe, explique Gaew Sornthunthue, âgé de 96 ans.
    "Quand j'étais jeune, j'ai appris la musique Mo Lam sous les arbres, dans les champs de riz, quand je surveillais buffles et vaches", ajoute-t-il dans le dialecte de l'Isan.
    Pour les habitants de cette région qui émigrent par millions à Bangkok, en quête de travail, le Mo Lam incarne une identité régionale qui reste forte malgré une modernisation récente.
    "Nous utilisons le Mo Lam pour parler, débattre, nous exprimer et réfléchir sur nos vies et nos traditions", explique Sarawoot Srihakot, professeur de musique du village de Gaew, voyant dans le chant Mo Lam l'ancêtre des télévisions partisanes actuelles.
    Le village est situé dans la province de Khon Kaen, un bastion de la contestation contre une junte qui interdit les manifestations et a fait fermer la chaîne des Chemises rouges, puissant mouvement pro-Shinawatra.

    Radios fermées

    Ici aussi, les stations de radio des Chemises rouges ont été fermées, les dirigeants locaux contraints de se taire et les affiches de leur héros et mécène, le milliardaire et ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, déchirées.
    Ce dernier a fait le choix de l'exil pour éviter de purger plusieurs années de prison pour corruption, après un coup d'Etat contre lui en 2006.
    Depuis, le fossé culturel s'est élargi entre Bangkok et le nord-est du pays, qui représente un tiers de la population de la Thaïlande et reste largement acquis à Thaksin, qui a largement subventionné cette région pauvre et mis en place des politiques sociales populaires auprès des plus défavorisés.
    Mais cette aspiration au changement lui vaut d'être haï par l'élite traditionnelle de Bangkok, dont l'armée, qui voit Thaksin Shinawatra et ses partisans comme une dangereuse menace pour la royauté.
    Sa sœur Yingluck encourt dix ans de prison, le régime souhaitant briser durablement l'influence politique des Shinawatra.
    Pour l'heure, les partisans des Shinawatra, y compris les compositeurs contemporains de Mo Lam, respectent la consigne de garder un profil bas.

    Troubadours modernes

    Jusqu'au coup d'Etat de 2014, les héritiers modernes de ces troubadours Mo Lam, ayant tronqué l'harmonica de bambou contre des guitares électriques, se faisaient largement entendre.
    Les chansons vantant les vertus de Thaksin et tournant en dérision les élites conservatrices de Bangkok étaient alors diffusées en boucle lors des rassemblements des Chemises rouges ou sur leurs stations de radio.
    Parmi ces chansons à succès, l'une, intitulée "Thaksin a été persécuté", déplorait que le putsch l'ayant renversé ait "emporté la démocratie".
    L'influence politique de ce genre remonte à beaucoup plus loin, avec des générations de chanteurs payés pour promouvoir des candidats politiques dans les campagnes reculées.
    "Le Mo Lam chante les malheurs (des paysans) depuis des siècles", explique Gridthiya Gaweewong, directrice artistique du centre d'art Jim Thompson de Bangkok, qui a organisé une rare exposition sur ce thème.
    Mais les élites au pouvoir ont aussi détourné cette musique traditionnelle, notamment pendant la Guerre froide, pour lutter contre les idées communistes supposées gagner du terrain dans les campagnes.

    « coopération nipponeSécheresse »
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