Thaksin menacé de poursuites
pour lèse-majesté

La junte de Thaïlande a menacé mercredi de lancer des poursuites pour lèse-majesté contre l'ex-Premier ministre, Thaksin Shinawatra, en raison d'une récente interview jugée antimonarchiste, qui a déjà valu le retrait de son passeport au milliardaire, bête noire des militaires.
Le ministère thaïlandais des Affaires étrangères a indiqué mercredi qu’il avait été saisi pour prendre des mesures contre Thaksin après que la police a considéré que "certaines parties de son interview mettaient en danger la sécurité nationale".
Le ministère a précisé que les passeports de Thaksin étaient d’ores et déjà annulés, soulignant que "cette affaire (l’interview) tombait aussi sous le coup de l’article 112 [loi de lèse-majesté] et faisait de fait l’objet d’une enquête relevant du pénal".
L'impact sur la liberté de voyager du milliardaire, qui dispose d'autres passeports, est nul, selon Surapong Tovichakchaikul, proche de Thaksin et ancien chef de la diplomatie.
Depuis qu’il a quitté la Thaïlande en 2008 pour échapper à une peine de prison pour conflit d’intérêts, Thaksin voyage fréquemment depuis sa base de Dubaï et disposerait de passeports d’autres pays.
Le ministre de la Défense, Prawit Wongsuwon, a néanmoins confirmé l'ouverture d'une enquête devant déterminer si Thaksin doit être poursuivi pour lèse-majesté, un crime punissable de 15 ans de prison en Thaïlande.
"Certains de ses propos mettent en danger l'Etat et la monarchie", a-t-il déclaré à l'AFP.
Thaksin est récemment sorti de son silence et a donné des interviews à des médias étrangers. Il est notamment apparu sur CNN ainsi qu’à la télévision coréenne où il y a notamment critiqué le régime en place à Bangkok depuis un coup d'Etat mené au nom de la défense de la monarchie thaïlandaise. Néanmoins, il n’était pas encore clair mercredi quelle interview était en cause.
Depuis, la junte militaire au pouvoir a multiplié les poursuites pour lèse-majesté. Elle est aussi soupçonnée de chercher à éradiquer l'influence politique de Thaksin Shinawatra du paysage politique.
Le milliardaire a également fait le 19 mai, depuis Séoul, une sortie remarquée sur la nécessaire indépendance de la justice, le jour de l'ouverture du procès à Bangkok de sa sœur Yingluck qui risque à son tour plusieurs années de prison.
L’analyste politique David Streckfuss estime que toute accusation pour lèse-majesté contre Thaksin s’inscrirait dans le cadre d’une campagne plus large d’éradication définitive de sa famille de la scène politique.
"Le coup tout entier et tout ce qui l’entoure est destiné à garder le système Thaksin" à distance, dit-il.
Dans une interview donnée à la chaine américaine CNN la semaine dernière à l’occasion du premier anniversaire du coup d’Etat, Thaksin a déclaré qu’il attendrait le moment opportun pour revenir dans la politique thaïlandaise.